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Les SI en santé, où en est-on ?

HOSPIMEDIA | Entre DMP et télémédecine, si le paysage se dessine, beaucoup reste encore à faire. Et les attentes, des professionnels et des patients, sont nombreuses.

Comme l’a rappelé Nora Berra dans son discours d’ouverture des 10e rencontres parlementaires sur les Systèmes d’information (SI) en santé consacré à l’hôpital connecté et la médecine en réseau, la France possède une « stratégie globale, cohérente et lisible » qui guide la politique de numérisation de la santé. Une stratégie qui repose sur le déploiement des services de e-santé, la mise en œuvre du plan national de télémédecine, l’accélération de l’informatisation de SI en santé avec le plan « hôpital numérique », le recours aux technologies pour favoriser le maintien à domicile mais aussi le soutien à l’innovation industrielle ou encore le déploiement du Dossier médical personnel (DMP). Mais « beaucoup de travail reste à faire« , a admis la secrétaire d’État à la Santé. Et c’est bien là que le bât blesse: l’informatisation du système de santé comporte encore de nombreux freins malgré la volonté politique affichée.

Fracture numérique et informatique

Pierre Lasbordes, député de l’Essonne et vice président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), a effectivement tempéré les propos de Nora Berra. En dépit des réalisations accomplies et des expérimentations menées dans ce domaine depuis quelques années, il a pointé une prise de conscience collective sur le développement « anarchique » de la télésanté et un manque de volonté centrale pour « tout coordonner« . Dans le contexte de déploiement du DMP, se pose aussi la question de l’informatisation des cabinets médicaux, a souligné Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Actuellement, seuls 50% des médecins peuvent utiliser les logiciels métiers et, sans la mobilisation de ces professionnels, le DMP ne sera pas une réussite, a estimé Pierre Lasbordes. Le développement de ces outils ne peut se faire sans leur appropriation. L’adaptation de la pratique médicale à des outils comme la télémédecine est une problématique importante qui n’est pas non plus suffisamment prise en compte. Pourtant, comme l’a indiqué Daniel Lenoir, l’introduction informatique modifie le processus de travail. D’autre part, la question du financement aurait mérité une réflexion plus approfondie. La fracture numérique a aussi fait débat car beaucoup de zones en France ne sont pas encore équipées en haut débit ce qui ralentit considérablement le développement de la e-santé, un sujet qui doit être traité de manière plus large par le gouvernement.

Acceptabilité de la société

Si ce sujet de la e-santé revient chaque année sur le devant de la scène, il faut cependant éviter qu’il ne devienne une routine, a souligné Jean-Yves Grall, directeur général de la santé, d’où l’intérêt d’obtenir la confiance à la fois des professionnels de santé, des patients et des industriels (voir encadré) et ainsi une « adhésion tacite » envers ces nouvelles technologies favorisant une mise en place rapide. Les patients sont d’ailleurs demandeurs au regard du témoignage apporté par Jean-Michel Billaut, président fondateur de l’Atelier BNP Paribas. Ce dernier a souligné le décalage entre les attentes de nombreux usagers du système de santé et la réalité. Il ne s’est d’ailleurs pas montré tendre vis-à-vis du retard français, citant les communautés de patients qui se créent au travers de forums ou de réseaux sociaux sans attendre l’aval des professionnels du secteur. Un fossé qu’a également dénoncé Yannick Motel, délégué général de la fédération Les entreprises des systèmes d’information sanitaires et sociaux (LESISS). Pour lui, chiffres à l’appui, la France continue d’accuser un retard important dans ce domaine. Il estime qu’il faut avant tout mieux définir les projets, faire des Technologies de l’information et de la communication (TIC) une priorité, allouer les ressources à la hauteur des enjeux, éviter la tentation d’un « Gosplan » et renforcer la concertation entre la sphère publique et la société civile. De son côté, Patrice Cristofini, vice-président Alliance and strategic partnerships chez Orange healthcare, souligne la nécessité pour les industriels de disposer de partenariats et d’une maîtrise d’ouvrage forte avec une conduite du changement actée et chiffrée. Il a ajouté que le modèle économique des SI en santé ne pourra fonctionner qu’avec un effet volume, sans quoi le « retour sur investissement n’apparaîtra pas comme évident« .

Ainsi, si la télémédecine semble prometteuse à bien des égards, les chantiers pour un déploiement effectif sont encore nombreux. Du côté du DMP, Jean-Yves Robin, directeur de l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP santé), a indiqué que le projet est en avance par rapport à la feuille de route fixée. Il s’est montré confiant sur l’état d’avancement, précisant qu’il s’agit maintenant d’une affaire de pédagogie, de formation et d’acculturation. Comme l’a précisé Patrice Cristofini, il faut que chacun joue son rôle et donc prenne ses responsabilités pour que les SI en santé trouvent une réelle concrétisation sur le terrain.

Géraldine Tribault