Technologies numériques de santé : d’abord sauver la médecine de proximité !

 

Tout récemment et en marge d’une réunion sur l’innovation numérique en santé, un chef de service des urgences d’un hôpital de la banlieue parisienne m’interpellait : « Vous feriez bien de venir voir ce qui se passe chez nous au lieu de vous faire plaisir avec des innovations technologiques qui ne serviront à personne parce qu’ici, nous manquons de tout ! ».

Nous vivons en effet un paradoxe étonnant. Alors que jamais dans l’histoire de l’humanité, le progrès scientifique et technologique n’a été autant porteur d’espoirs dans le domaine de la santé, les craintes de nos concitoyens se font chaque jour un peu plus grandes de ne jamais en profiter. Pire, de ne plus être aussi bien soigné qu’avant ou même plus soigné du tout. Hôpitaux débordés et en crise, absence de médecins dans de toujours plus nombreux territoires, nouveaux traitements dont les prix s’envolent, pénuries de médicaments dans les pharmacies, … la liste est maintenant longue des incohérences, dysfonctionnements, et autres maux d’un système de santé, le nôtre, qui semble aujourd’hui à bout de souffle alors qu’il faisait hier la fierté de notre pays.

Aussi, dans ce contexte et s’il semble évident que nos efforts doivent être soutenus et même amplifiés pour faire de la France une terre d’innovation et d’excellence en matière de technologies numériques de santé, il paraît tout aussi évident que ces technologies doivent être prioritairement mises au service de l’organisation des soins et des professionnels de santé de proximité. Ceux-là mêmes qui, loin des débats éthiques et philosophiques sur le transhumanisme ou l’intelligence artificielle, exercent au quotidien, à la ville comme à la campagne, voient des vrais gens, dans la vraie vie.

Et il y a urgence ! Améliorer et sécuriser le parcours de santé, en particulier dans le cas de l’ambulatoire et pour combler (enfin !) le fossé mortifère entre la ville et l’hôpital, permettre l’accès aux meilleurs soins depuis n’importe quel point du territoire, s’assurer de la bonne observance des traitements par un accompagnement de proximité, mieux informer les patients et renforcer une relation humaine et de qualité avec leur médecin, doivent guider toute politique de déploiement de ces technologies. Car qui, de l’Homme ou du robot, peut écouter, comprendre, accompagner et soigner dans sa compréhension la plus large et la plus humaine ? Qui, de l’Homme ou du robot, peut tenir la main de celui qui souffre ou qui meurt ? Plutôt que de se perdre dans les brumes d’un hypothétique futur computationnel et le rêve prométhéen d’une super-humanité, notre priorité n’est-elle pas de donner aux médecins et aux professionnels de santé de terrain les meilleurs outils numériques ?

« L’oiseau de Minerve ne prend son envol qu’à la tombée de la nuit » disait Hegel. Ce qui peut se comprendre comme l’idée que la solution salvatrice ne vient qu’au moment où l’on croit que tout est perdu. Sans pour autant avoir foi dans le « solutionnisme numérique » qui tient aujourd’hui lieu de religion dominante dans la Silicon Valley, voyons dans les solutions numériques à notre portée une réponse à la pressante question de la transformation de notre système de santé, dans le respect des valeurs de la France.

 

Jacques Marceau

Président d’Aromates

Fondateur des Assises des Technologies Numériques de Santé